Le changement, faux débat de la présidentielle
Ils veulent tous changer. Ils veulent tout changer. Je dis non: éloge de la nostalgie!
"La victoire, en changeant, nous ouvre la barrière, la liberté guide nos pas..." (air connu)
Il en est du changement comme du sapin de Noël, des grèves de fin d’année ou de la prière vers la Mecque : c’est une tradition, un rite, un passage obligé qui revient de manière cyclique, et que tout homme (politique) se doit d’honorer. "Changer la vie", disait le PS en 1972, "Changement dans la continuité", osaient Pompidou en 1969 puis Giscard en 1981.
A chaque élection se répète le même abus de pensée : c’est décidé, cette fois-ci on va tout changer, le grand chambardement, le grand soir, on-va-voir-ce-qu’-on-va-voir. Ironiquement, alors qu’une nouvelle génération d’hommes politiques entonne bras dessus bras dessous en choeur l’hymne à la modernité, elle le fait toujours en voulant couvrir de sa voix les dissonances présumées de la précédente chorale, celle qui officiait cinq ou sept ans auparavant. Eux chantaient un faux changement, nous c’est le vrai ! Et tant pis si certains chanteurs ont juste changé leurs vêtements ou retourné leur veste ! Le plus étonnant est que le peuple - décidément sans mémoire - écoute sans broncher, quoique légèrement dubitatif, ce récital dont seules les paroles sont légèrement modifiées d’un quinquennat à l’autre.
"Non je n’ai pas changé..."
Changer est donc le verbe à la mode en France, de l’extrême droite à l’extrême gauche. Sans doute un héritage psychologique de la Révolution : rien ne peut se faire sans que des têtes tombent, que quelques barricades se dressent, que quelques mesures symboliques viennent montrer au peuple qu’il est passé "de l’ombre à la lumière" (J. Lang). Les Anciens ont mauvaise presse. 1789, 1793, 1815, 1830, 1848, 1852, 1870, 1877, 1940, 1945, 1958, 1968, 1981, 1995. Que de fois la France aura entendu cette gigue bien française !
Toutefois, le thème du changement est, selon moi, au mieux une douce utopie, au mieux une escroquerie intellectuelle d’envergure. Il n’y a qu’à écouter Nicolas Sarkozy : on aurait envie de lui chanter Non, je n’ai pas changé, lorsqu’il prétend, tel Saint Pierre, renier trois fois ses croyances atlantistes. Jean-Marie ou Arlette qui prétendent tout changer alors qu’on dit qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis sont à la même enseigne. Ne parlons pas de Ségolène ou de François, qui prétendent incarner un changement alors qu’ils sont de vieux routiers de la politique. François Bayrou particulièrement, ne connaît rien au changement : son passage à l’Education nationale, où il s’est contenté de faire la danse du ventre aux syndicats pendant plusieurs années pour que sa tête ne soit pas mise à prix, l’a prouvé. Enfin, en même temps s’il fallait ne parler que des choses qu’on connaît, pour plagier Desproges, Sarkozy parlerait-il des pauvres ? Ségolène parlerait-elle de la démocratie en Chine ? D’ailleurs, Ségolène parlerait-elle tout court ?
"Changer le monde, puis changer le monde que l’on vient de changer" (Bertold Brecht)
Dans le rang des utopistes, je suis tombé dernièrement sur un blog caractéristique de ce mouvement de pensée, celui de Quitterie Delmas, charmante et sympathique maman, porte-parole des jeunes de l’UDF tendance Peace and Love (http://lesjeuneslibres.hautetfort.com/). Il y a un peu plus d’une semaine, celle-ci a publié un manifeste pour le changement intitulé “Avis de recherche : Le vrai changement en 2007, la vraie (r)évolution c’est d’obtenir en 2007, une assemblée qui ressemble à la France dans sa réelle diversité, tant dans les visions politiques, dans ses origines, dans ses sexes, que dans ses âges.
Le titre est long mais évocateur. S’ensuit une ode au bougisme, dont le vocabulaire vous sonnera familièrement aux oreilles : vrai changement (attention : les autres vous vendent le faux changement), vraie (r)évolution, émerger, nouveau patron, pratiques politiques vont changer, renouvellement, crise (je l’aime particulièrement celui-ci : il y a toujours une crise qui justifie le changement), notre vision de l’avenir, etc. Je vous laisse aller voir, c’est assez naïf (quoique respectable) mais instructif.
Il est toujours malaisé de tirer sur les idéalistes, car être cynique ou réaliste a toujours été mal considéré. Néanmoins, je pense que notre société souffre de changite aiguë, qui se manifeste par de très nombreux symptômes :
- La société de consommation pousse au renouvellement. Ce qui est vieux est démodé. Le temps s’accélère d’ailleurs. On compte les modes en mois, voire en semaines, plutôt qu’en années.
- La société de voyage l’emporte sur la sédentarité. Voyager, communiquer, s’ouvrir, c’est cool. Rester, s’enraciner, c’est pas top. L’internet l’emporte sur la territorialité.
- Le syndrome de la vitesse et de l’immédiateté, assimilable en réalité à une sorte de frénésie, de griserie du mouvement. Rester en place, c’est risquer de ne pas redémarrer. Il faut par exemple changer de poste pour évoluer professionnellement, et le plus rapidement possible. Télécharger le plus vite possible. Tout se raccourcit, même le mandat des politiques.
Eloge de la lenteur et de la nostalgie
On change pour changer : voilà le drame de la changite aiguë. On change tout... pour que rien ne change. Cette manie civilisationnelle qu’on pourrait résumer en New is beautiful se double en politique d’une espérance : celle qu’un autre lendemain est possible, totalement différent. C’est une brisure civilisationnelle car, pour les anciens, le possible se situait dans le passé : on imitait pour recréer, on discutait des exemples du passé, on passait pour cultivé quand on connaissait ses classiques. Aujourd’hui, le citoyen, désemparé, a l’impression de vivre une époque à nulle autre pareille, où le passé n’est plus d’aucun secours pour décrypter l’avenir. C’est à mon sens une erreur.
La vérité, selon moi, est que "la politique de demain", pour reprendre les termes du débat du Politic Show, sera celle d’aujourd’hui, avec les hommes et les femmes de demain. C’est triste, mais c’est comme ça. En effet, la démocratie est un régime qui modèle les comportements, comme tous les régimes politiques qui l’ont précédé. La politique, ce n’est donc pas changer (la vie, les comportements, le candidat, etc.) mais bien conduire le changement de la société qui, lui, est bien réel. C’est orienter le changement. D’ailleurs, si les élections changeaient la vie... elles seraient interdites ! (Samuel Benchetrit)
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